Cet article propose un approfondissement de la notion d’ethnicité à partir de ses définitions et usages dans le champ universitaire international ainsi que de sa mise en jeu dans les questions contemporaines de reconnaissance et de justice sociale. Il explore la réception et la charge encore négatives du concept d’ethnicité dans la production française en sciences sociales et dans les débats animant la société civile. Il montre que l’ethnicité y est interprétée à la fois comme un leurre efficace pour détourner des véritables mécanismes de domination à l’oeuvre dans les sociétés, et en concurrence potentielle avec le système d’interprétation et les acteurs organisés autour de ces dominations. À partir de l’exemple du débat sur les statistiques ethniques contre les discriminations en France, il envisage un recours à une politique de reconnaissance permettant aux individus de participer à la construction des identités collectives par la prise en compte de leur « ressenti ». Il montre que si les individus construisent les frontières de leurs identités et celles des autres, leurs opportunités à proposer des – ou de contribuer aux – définitions des situations sont fonction de la position qu’ils occupent dans les rapports sociaux. C’est l’accès à la construction de ces labels collectifs qui peut alors constituer une source nouvelle et contemporaine de justice sociale. Enfin, l’article interroge l’ethnicité comme catégorie pratique pouvant contribuer à une théorie de l’action sur le rôle de l’identité et de la culture dans la construction des rapports sociaux.