Le 19 septembre 2003, la Cour suprême du Canada (CSC), dans un verdict unanime, mettait fin à dix années de saga judiciaire et confirmait enfin l’existence de droits autochtones de chasse à la communauté métisse de Sault-Sainte-Marie (R. c. Powley 2003). D’une part, ce verdict constitue pour les Métis la première reconnaissance concrète de leurs droits autochtones depuis leur enchâssement officiel dans la Constitution de 1982. D’autre part, il remet profondément en question la manière dont les Métis sont perçus dans l’imaginaire canadien. En effet, le jugement Powley suggère, contrairement à la croyance populaire, que le métissage euro-indien et l’ethnogenèse métisse furent bien plus que des « anomalies » socioculturelles découlant d’un contexte historique et spatial spécifique – le Nord-Ouest du XIXe siècle par exemple – mais plutôt des faits récurrents de l’histoire et de la géographie du pays. Or, il appert que l’argument et les perspectives de la CSC reposent pour l’essentiel sur le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones (1996). L’objectif de cet article consiste justement à « prendre la mesure » du regard porté par la Commission sur les Métis en le confrontant aux discours contemporains (identitaires, territoriaux, politiques, juridiques, etc.), soit ceux des principaux intéressés comme ceux de la société en général. Dans l’ensemble, le Rapport a considérablement élargi le champ identitaire et l’aire géographique auxquels colle traditionnellement notre image du Métis et il ouvre de nouvelles perspectives quant à la relation autochtone/non autochtone, comme l’illustre d’ailleurs l’Approche commune.