Ce texte propose une lecture critique du discours souverainiste sur la recomposition de l’espace public national québécois. L’auteur soutient essentiellement que la redéfinition de la nation souhaitée par les souverainistes québécois selon laquelle le Québec doit tendre vers l’accomplissement d’une nation dé-ethnicisée, fondée sur une logique civique et rationnelle, est en porte-à-faux par rapport à l’imaginaire social des Québécois et la réalité politique du Québec. Sous couvert d’adhésion à la raison universelle, cette redéfinition repose sur une mise au ban de l’ethnicité et des particularismes culturels et participe d’une volonté de subsomption à la fois de l’identité historique des Québécois et des identités autres qui composent désormais le tissu social du Québec en un espace public post-national et homogénéisant. Contrairement aux apparences, le sens de la nation qui dérive du projet théorico-politique des souverainistes cache en réalité un acte d’exclusion et des prétentions hégémoniques au profit de la nation historique. L’auteur soutient qu’il ne sert à rien d’évacuer la différence et l’altérité inhérentes à la dynamique politique québécoise. L’ethnicité et la culture sont des faits de conscience incontournables. Un véritable projet d’avant-garde de recomposition de l’espace public au Québec devrait plutôt chercher à en accepter les aboutissants et à réaliser une configuration institutionnelle flexible qui ne banalise pas l’altérité et la différence, qui ne hiérarchise pas les identités et qui ne soit pas fondée sur une conception préétablie de l’espace public. Cela implique l’abandon de la « Nation » comme pivot axiomatique de la communauté politique et une remise en question fondamentale des paramètres du libéralisme contemporain.