La science historique, on le sait, a toujours eu partie liée avec l’actualité ; elle ne se construit jamais à distance de ses soubresauts. La société québécoise en offre présentement quelques exemples éloquents. Ainsi, depuis quelques années, une controverse s’est élevée au sujet de l’enseignement de l’histoire nationale ; certains voudraient lui assigner une fonction à dominante civique, alors que d’autres insistent sur sa vocation d’éveilleuse de la conscience nationale. En parallèle, une autre controverse a mis en cause la survie de la culture québécoise dans un contexte de diversité ethnoculturelle. L’orientation pluraliste préconisée par un grand nombre de citoyens (et mise en forme dans l’interculturalisme québécois) est accusée de compromettre la continuité culturelle du Québec francophone, contraignant en quelque sorte ses membres à renoncer à leur mémoire, d’oublier ce qu’ils sont. De la même façon, le débat sur les valeurs dites nationales présente couramment les valeurs universelles comme impropres à nourrir une véritable identité ; on serait ici irrémédiablement confronté à la dichotomie particularisme-universalisme. Dans chacun de ces cas (et d’autres qui sont brièvement abordés dans le texte), on observe que deux sphères ou deux entités sont posées comme antinomiques. Cet article voudrait montrer que c’est une erreur, qu’en réalité on est en présence non pas d’une contradiction mais d’une complémentarité.